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29 décembre 2022

INTERVIEW - Javier Mascherano : « L'important, c'est le chemin que l'on prend »

« C’était il y a longtemps ! », s’exclame Javier Mascherano lorsque nous lui montrons les photos du Tournoi Maurice Revello 2003 dont il a fini meilleur joueur. L'ancien international aux 147 capes avec l'Albiceleste est revenu sur les terres du Tournoi l'été dernier avec la sélection U20 argentine, cette fois dans la peau du sélectioneur. A la tête d'une équipe bourrée de talents, l'ex milieu de terrain s'apprête à disputer du 19 janvier au 12 février le Sudamericano U20, organisé par la CONMEBOL et qualificatif pour la Coupe du Monde U20 en juin prochain. Lors de l'édition 2022 du Tournoi Maurice Revello, Mascherano nous avait accordé un entretien à l'hôtel de l'équipe d'Argentine. Son passé de joueur, son nouveau métier d'entraîneur, les nouvelles générations, sa philosophie... Le double vainqueur de la Ligue des Champions avec le FC Barcelone nous avait répondu en toute franchise.

Javier, qu’est-ce que cela vous inspire de revoir ces photos ? Qu’est-ce que le Tournoi a représenté pour vous ?

Cela montre à quel point la vie passe vite. C’était un très bon moment de ma vie, le Tournoi Maurice Revello a été aussi bénéfique pour l’Argentine que pour moi à travers le trophée de meilleur joueur. J’ai des souvenirs en tête mais je dois aussi reconnaître que vingt ans en arrière, c’était il y a longtemps ! C’est très bien de revenir ici en tant qu’entraîneur, de créer un nouveau souvenir dans cette partie de la France. En espérant y revenir dans le futur.

Vous étiez un jeune joueur lorsque vous aviez disputé le Tournoi Maurice Revello en 2003. Qu’est-ce que Tournoi vous a apporté ?

Pour les joueurs de cet âge, c’est vraiment une bonne chose de venir au Tournoi Maurice Revello et de se mesurer à des joueurs différents de ceux qu’on affronte habituellement. Comparé à l’édition 2003, où nous étions venus avec une équipe dans la bonne catégorie d’âge pour rivaliser, cette année nous sommes venus en connaissance de cause avec une équipe plus jeune que les autres nations participantes. C’était difficile pour nous mais c’est une bonne expérience pour notre équipe de se confronter à des joueurs plus âgés. L’expérience qu’on tire de ces rencontres sera bonne pour le futur.

Aujourd’hui, vous êtes au Tournoi en tant que sélectionneur et non en tant que joueur. Quelle est la différence ?

C’est totalement différent ! Quand vous êtes joueur, vous jouez. Comme je le dis à mes joueurs, la chose la plus importante dans le football est le joueur. Pour le reste, nous pouvons les aider, leur donner quelques outils pour franchir un palier mais le football est pour les joueurs. Pas pour les entraîneurs, pas pour la presse, pas pour les supporters : pour les joueurs. La grande différence quand vous êtes joueur, c'est que vous pensez parfois ou souvent à vous seulement. Quand vous êtes coach, vous devez penser au bien-être collectif. Vous devez créer ce bon environnement, ce bon contexte pour aider les joueurs à donner le meilleur d’eux-mêmes.


Javier Mascherano et son trophée du meilleur joueur lors du Tournoi Maurice Revello 2003

En 2003, vous étiez un jeune joueur. En 2022, vous êtes un jeune entraîneur : qu’attendez-vous de ce Tournoi qui est votre première compétition en tant que sélectionneur ?

Nous sommes en train de construire l’équipe qui disputera les prochains éliminatoires de la Coupe du Monde U20 (NDLR : à savoir le championnat d’Amérique du Sud U20, qualificatif pour le Mondial U20, du 19 janvier au 12 février 2023). Nous essayons de former une bonne équipe et avant tout un bon groupe sur le plan humain. C’est la première étape. Nous allons continuer à donner notre expérience aux joueurs, leur construire un bon contexte pour les aider à montrer tout leur potentiel. C’est la chose la plus importante pour moi.

Vous étiez un capitaine lorsque vous étiez joueur. Devenir entraîneur était une suite logique ?

Non, c’est totalement différent. Bien sûr, quand vous êtes joueur, vous pouvez parfois jouer ou apporter une réflexion au sein-même de votre équipe. Vous pensez en quelque sorte à manager vos coéquipiers. Mais c’est totalement différent du rôle de coach où vous devez vous présenter face aux joueurs et leur dire : « Je suis l’entraîneur, vous devez me suivre car j’essaie de vous transmettre ma vision pour réussir ». Ce sont deux choses différentes, c’est plus difficile quand tu es un entraîneur, mais j’aime ce rôle qui consiste à aider les joueurs à maximiser leur potentiel.

Quelle est votre philosophie en tant que manager ? Quels principes de jeu tenez-vous à mettre en place ?

Nous avons plusieurs modèles. Notre idée est d'être les protagonistes du jeu, d'avoir la possession du ballon, de créer des occasions, d'essayer de prendre le contrôle du jeu. C'est le modèle que j'ai en tête, et j'essaie de le transmettre et de donner des options à mes joueurs. Je veux qu'ils se rapprochent le plus possible de mon modèle. Je suis ici pour essayer de leur donner les outils nécessaires pour développer le jeu que nous voulons.


Javier Mascherano donne ses consignes lors du Tournoi Maurice Revello 2022

Pensez-vous qu'il est possible de créer ce plan de jeu pendant les trêves internationales uniquement ? C'est différent de travailler sur ce point avec une équipe nationale et avec un club.

Oui, ce n'est pas facile. Les équipes nationales ne sont pas des clubs. C'est difficile de convaincre les joueurs quand vous avez votre modèle en tête. Mais nous essayons de nous entraîner avec eux chaque semaine autant que possible. J'en suis heureux car lorsqu'ils jouent, je peux voir mon idée sur le terrain. Il est évident que nous avons beaucoup de choses à améliorer et qu'il nous faudra du temps. Mais depuis que je suis avec eux, je commence à voir ce qu'ils font et à constater des choses qui me plaisent sur le terrain.

« Les nouvelles générations ne sont pas patientes »


Vous avez parlé de tactique. Nous avons vu un article avant le Tournoi dans les médias qui disait que lorsque vous avez été nommé entraîneur, vous avez introduit certaines règles comme l'interdiction du téléphone pendant les repas...

(Il coupe) Non, j'ai vu l'article mais ce n'est pas vrai. Nous avons des règles parce que dans une organisation, vous devez en avoir, mais ce n'est pas comme ça. Ce n'est pas l'armée (rires). Ce sont des joueurs professionnels, ils ont besoin d'aide mais non... Je n'ai pas besoin de les traiter comme des soldats. Ils sont bien éduqués, nous essayons d'être corrects avec les gens qui nous aident. Mais pour moi, ça ne marche pas comme ça.

Vous avez vu plusieurs générations de joueurs en tant que joueur et maintenant en tant qu'entraîneur. Quelles sont les principales différences que vous avez remarquées entre votre génération, par exemple, et la génération de vos joueurs ?

Je pense que les nouvelles générations ne sont pas patientes, vous savez, elles veulent tout, tout de suite. C'est donc difficile, par exemple, si vous voulez les mettre devant la télévision, d'essayer d'avoir leur attention pendant une demi-heure. Et cela se produit aussi avec mes enfants, ils ont besoin de tout avoir rapidement, vite. Et la vie ne fonctionne pas comme ça. Parfois, il faut être patient pour arriver au sommet et, comme je le leur dis toujours, il faut le faire à sa façon, car dans le football, on peut arriver au même résultat de différentes manières. L'important, c'est le chemin que l'on prend. En Argentine, nous essayons donc de suivre notre chemin. J'essaie de les convaincre de nous suivre. 

Quel bilan dressez-vous de la participation de votre équipe au Tournoi Maurice Revello 2022 ?

Je peux dire que nous avons montré un bon niveau. Évidemment, nous sommes tristes à cause de notre défaite contre la France (2-6). Nous nous attendions avant le match à une rencontre très difficile parce qu'ils sont plus âgés que nous et qu'ils ont beaucoup plus d'expérience que nous, mais je pensais que nous pouvions rivaliser avec eux et essayer de faire le meilleur match. Nous n'avons pas pu le faire, c'est la vérité, mais nous avons terminé le tournoi de la meilleure façon contre le Japon (victoire 3-2).

Propos recueillis par Amayes Brahmi et Mathieu Lauricella